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Le viellard s'avança, farouche, à la tribune : les événements du moment semblaient lui redonner vie. A peine le temps d'enfiler son dentier et le voici goguenard, qui débutait son discours :
— Commandantes, commandants, je présume que tous ici savez apprécier comme moi cet intense moment de vérité que nous vivons à l'heure où nous apprenons que chacun des lieutenants de Katradhan était en réalité un éminent et actif résistant, que les prophéties apocalyptiques étaient bien entendu erronées, pendant que chacun des anciens supporters de notre despote Bien-Aimé (et curieusement silencieux) découvre avec stupéfaction que Katradhan n'était en réalité qu'un odieux tyran qui a osé (!) bannir ses contradicteurs et non le fervent humaniste qu'ils croyaient qu'il était.
Le vieux Giuseppe laissa couler quelques rires dans l'Assemblée, observant quelques visages crispés ici ou là, avant de reprendre son ton enjoué :
— Rassurez-vous, je ne suis pas venu ici vous proposer un tribunal révolutionnaire ! D'ailleurs, j'ai toujours méprisé les tribunaux, toujours acharnés à vouloir empêcher ma famille de gagner son pain plutôt que de courir après les vrais criminels. Bref ! Et, que d'aucuns se rassurent, je ne suis pas non plus venu vous parler des vraies et fausses expulsions qui fourniront un prétexte bien opportun, ni de l'étrange silence qui est fait autour des multiples contacts qu'a eu Galya avec certains commandants - ce qui est d'autant plus dommage que je suis pour ma part ravi d'avoir pu m'entretenir avec elle, c'est une jeune femme des plus... charmantes ! dit-il en adressant un clin d'oeil grivois et sans vulgarité à l'Assemblée. Oh ! Certes, je ne suis pas toujours bien sûr d'avoir compris ce qu'elle disait : en-dessous de huit zéros je deviens dur de la feuille. Mais je ne m'inquiète guère : sans doute certains esprits plus jeunes auront-ils mieux saisi ce qu'elle entendait. Hé ! Hé !
La silhouette trapue fit alors mine de boire quelques gorgées d'eau, prêtant discrètement attention aux gloussements et chuchotements qui bruissaient parmi l'audience. Puis, sa tête toute ronde reprit :
— Non, ce dont je suis venu vous parler aujourd'hui concerne les centres de contrebande. Je souhaitais intialement vous soumettre une idée que le commandant Eruld a été plus rapide que moi à formuler - ce qui lui fait honneur à lui et aux Apolystes. Toutefois, il semble que sa proposition n'ait pas reçu toute l'attention qu'elle méritait et je souhaitais rouvrir le débat. Cette proposition consistait à remettre aux élus de chaque secteur le centre local de la contrebande.
Ayant dit cela, il souffla un instant, jaugea la réactions de ses homologues et poursuivit :
— Voyez-vous, ce n'est pas que nous soyions méfiants envers les anciens lieutenants de Katradhan, ni même que nous trouvions injuste de la leur laisser, pas plus que l'on pourrait se méfier des intentions d'autres belligérants un peu trop pressés d'en découdre avec les premiers. Non ! C'est juste que, puisqu'il y a eu élection, ces élus semblent encore les plus légitimes et fondés à se voir confier de telles reponsabilités. D'autant que certains secteurs sont, eux, assez... mécontents de leur sort. Une visite rapide des assemblées locales est parfois instructive, certaines plaintes semblant tarder à trouver réponse, comme dans le cas de taxes anormalement élevées... Je crois pour ma part que cette proposition résoudrait de nombreux problèmes.
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